The Family in TV Reality

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INCREDIBLE ART

The Family in TV Reality

Dans la télé-réalité, je demande la famille…

On vous parle d’un temps que les moins 20 ans ne peuvent pas connaître. L’époque où Bam Magera, dans Viva La Bam, décide de repeindre durant la nuit l’intérieur de la maison de ses parents en bleu Schtroumpf, intérieur du frigo compris. Il en profite même pour réveiller son père en lui appliquant, alors qu’il dort, le rouleau sur le visage. Le respect familial est mort, vive la famille des années 2000 !

Réalité augmentée

Pour ceux qui n’auraient pas le concept en tête, la télévision, c’est comme IGTV ou YouTube sauf que tu n’as pas le choix. Il y a une grille de programmes établie et on ne « swipe » pas quand on s’ennuie, on zappe. Fin des années 90 ou début des années 2000, le médium essaye d’attirer une audience plus jeune et cherche à satisfaire cette fameuse ménagère de 40 ans dont lui parle les fondateurs de ce qui deviendra par la suite la start-up nation. Les USA trouveront la solution pour garder au plus près ces consommateurs : la télé-réalité.

« C’est la raison pour laquelle les émissions de télé-réalité américaines mettent surtout des femmes en avant », explique Manon Renault, professesseure de sociologie de la mode spécialisée dans les questions de pop culture. « Ce ne sont pas des émissions pensées pour attirer un regard masculin hétéro-normatif. Ce n’est ni plus ni moins qu’un genre évolutif du soap, inventé à un moment où on a besoin de transparence. On va montrer à cette femme des gens comme elle. Il suffit de voir les horaires de diffusion : juste avant le repas, pendant qu’on fait autre chose ». Si la France a développé elle aussi ses propres émissions de télé-réalité, elles n’ont jamais vraiment été assumées notamment à cause du patrimoine culturel du pays. Par conséquent, on en reste à l’idée de concours, de Koh Lantah au Loft, en passant par La Star Academy et même la Saga des Marseillais globe-trotter. « Koh Lantah est assumé parce qu’on est dans le dépassement de soi, « l’aventure humaine » comme ils se plaisent à le dire à longueur de saison. On est loin de la société du selfie, du miroir de soi cathodique que nous vendent les Rich Housewives of et autres Kardashian ».

 

Family Portrait

Dans la saison 3 de The Crown, la série qui retrace, non sans drama, la vie de la famille royale Britannique depuis l’accès au trône d’Elisabeth II, l’épisode 4 remémore un moment un peu oublié. En 1969, la BBC a diffusé Royal Family, un documentaire qui suit la Reine et sa petite famille durant 75 jours et sur 172 lieux différents. Initié par le Prince Philip, son but était d’humaniser la famille la plus coincée d’Angleterre. Qui a dit Kardashian ? « La télé-réalité, ce n’est rien de plus que les 15 minutes de célébrités à la Warhol, mais offertes à tous », analyse justement Manon Renault.

 

En matière de télé-réalité, la famille occupe une place particulière. Dans « Télé-réalité et la famille américaine », publié en 2010, le chercheur Leigh H. Edwards écrit : « Les émissions de télé-réalité redéfinissent le concept de famille dans la culture américaine. Le genre expose les angoisses culturelles à propos de la famille. Le paysage télévisé est parsemé d’émissions autour des rituels d’accouplement, il montre des mariages à l’écran, des unions organisées par le public, des partenaires testant leur amour lors de rendez-vous fantastiques avec d’autres, le changement de famille, l’amélioration de la maison et de la famille, les foyers de célébrités, les parents et les enfants se mariant sur la télévision nationale et les familles qui présentent leur vie en tant que pilotes de sitcom ». L’occasion pour nous de créer notre jeu des 7 familles, mais façon TV-réalité.

 

La mère

On voulait faire semblant de commencer par le père, mais ne nous mentons pas, la télé-réalité dévoile une société matriarcale. Prenons The Osbournes (2002), la sitcom qui a suivant le temps d’une année la famille d’Ozzy Osbourne du groupe Black Sabbath. La première personne qui apparaît à l’écran, ce n’est pas lui, mais sa femme Sharon qui jure comme un charretier et gère à elle seule l’emménagement de la maison et la vie familiale. Manon Renault : « Les mères sont des figures d’autorité, c’est en cela qu’on sort du schéma narratif familial établi habituellement par la société ».

Et qui de mieux pour l’illustrer que Kris Jenner ? La femme à qui l’on doit le concept de « momager ». Selon urbandictionnary.com, une « momager » est : « une mère qui pousse son ou ses enfants dans le show-business au risque de leur santé mentale et physique et sans aucun égard pour leur développement social ou leur vie privée ». OK Boomer. Si la définition a du vrai, on se contentera de l’idée de base : avoir un parent qui est également son manager. Lorsqu’on parle du rôle de la « momager », on a tout de suite en tête la séance photo de Kim K pour Playboy et le fameux « You’re doing amazing sweetie » de Kris Jenner. C’est une figure hautement critiquée notamment parce qu’elle sort du cadre maternel établi par le carcan social. « La momager, c’est la femme défendue par les années 80. Un idéal inatteignable puisqu’elle est à la fois businesswoman, mère omniprésente. C’est aussi la naissance de la figure de la mère-copine, presque jumelle de ses filles », analyse Manon Renault.

Aujourd’hui, une figure comme Kris Jenner connaît une évolution narrative d’envergure. À 64 ans, elle assume une vie de femme ménopausée et sexuée, un attrait pour la fête et un passé complexe tout en continuant à travailler. « C’est le propre de la pop culture de toujours t’offrir plusieurs lectures », explique la sociologue.

 

Le père

Dans la plupart des émissions de télé-réalité américaine, ce rôle est subalterne. « La télé-réalité prend vraiment son envol post-2001, on est dans l’effondrement du concept de famille nucléaire et, parallèlement, la place de l’homme autant dans le cadre familial que social est questionnée », réfléchit Manon Renault. Alors à quoi sert le père dans la tv-réalité ? Pour elle aucun doute, c’est un faire-valoir qui permet de montrer que la mère est douée dans tout ce qu’elle fait. « Il est souvent mis dans une situation comique où il va échouer ». On pense à la fois où Caitlyn Jenner, avant sa transition, essaie péniblement de parler de sexe à Kylie ou de règles à Kendall.

Si le père n’est pas maître de la maison, il n’est pas démasculinisé pour autant, sa virilité s’exprime simplement d’une autre manière. Dans l’émission Snoop Dogg : marié, 3 enfants (2007 – 2009), le rappeur de Los Angeles reste celui qui pourvoit financièrement à la vie de famille même chose pour Ozzy Osbourne dans The Osbournes. « Caitlyn Jenner, avant sa transition, c’est dans ses médailles olympiques qu’elle affirmait une certaine virilité. Plus elle s’est approchée de la féminisation et plus elle a disparue du récit. Son rôle était d’être un homme faire-valoir. Lorsqu’elle s’est affirmé femme, elle n’a plus servi à la narration », analyse Manon Renault.

 

La grand-mère

Aux USA, la grand-mère est souvent absente de la télé-réalité. Et on ne devrait pas s’en étonner tant le pays est obsédé par l’idée de gravir l’échelle sociale et donc de se défaire de ses origines, d’oublier d’où l’on vient. “Leurs racines, ils ne les mettent en évidence qu’une fois leur célébrité assurée, lorsque le statut de starlette est dépassé”, avance Manon Renault. Si on se base sur la famille Kardashian, la grand-mère, MJ n’est d’ailleurs jamais appelée “grand-mère” ou “mamie”. “Elle n’a pas le même corps ni le même physique et trahit dont la nouvelle narrative mise au point par les filles de la famille”. D’ailleurs, les filles de la famille préfèrent dernièrement s’attacher à l’Arménie, comme pour appuyer sur l’ambiguïté raciale qu’elles déploient à travers leurs relations amoureuses et leur corps.

 

Les frères et soeurs

Si depuis bientôt 18 saisons, on voit les membres de la famille Kardashian se moquer et se déchirer les uns les autres, il n’empêche que hors caméra, le clan montre un front uni. “Comme dans toute communauté, tu as le droit de te déchirer, mais, à l’extérieur, tu dois faire front commun. Il est accepté de se disputer et d’être en compétition dans le cadre de la famille”, pense Manon Renault. Il est d’ailleurs très rare qu’elles émettent un avis sur les rumeurs propagées sur leurs relations en dehors de l’émission. Dans la saison 17, Kourtney, l’aînée de la fratrie, semble ne plus avoir envie de participer à l’émission. Mais peut-on toujours être un membre de la famille lorsqu’on ne fait pas partie de sa narration officielle ?

La réponse est donnée si on prend le cas de Rob Kardashian, seul homme de la fratrie. Auparavant présenté comme le petit frère à protéger, la place de son personnage à radicalement changé au sein de l’émission, au point où il en est devenu presque absent. Manon Renault : “Il n’a jamais trouvé sa place et, lorsqu’il a pris du poids, il n’a plus accepté d’être aussi visible dans l’émission. Il est donc devenu celui qui a échoué, il n’était plus une bonne réminiscence du père dont il porte le nom”. Et puis, il sert une autre narration, sexiste : les femmes ne peuvent pas faire d’un homme, un homme. Elles ne peuvent que les castrer.

 

Le boyfriend

Comme tout bon soap, les télé-réalités mettent en avant des intrigues amoureuses, parfois rocambolesques. L’héroïne doit trouver un prince charmant avec lequel se marier et avoir beaucoup d’enfants. Le “boyfriend” se décline généralement en deux possibilités. Dans la première, c’est le prince charmant. C’est un outil d’accomplissement d’idéal hétéro-normé classique.

Dans la seconde, c’est le gentil-méchant. Comment ne pas penser à Justin Bobby dans The Hills /Laguna Beach ou à Scott Disick dans La famille Kardashian. “On en revient à un personnage toxique, parfois violent que le public adore détester. On ne comprend pas ce que fait le personnage avec lui”, relève Manon Renault. L’archétype tend à disparaître au profit du fiancé puis du mari. Le rôle du prince charmant est devenu désuet, on n’y croit plus. Et puis cela sert une certaine vision d’empowerment féminin, même dans l’idée de fonder une famille. Un nouveau trait qui n’est pas toujours vu du bon œil quand on voit les rumeurs d’une « malédiction Kardashian » qui veut que tous les hommes qu’elles aient fréquentés aient vu leur vie être ruinée.

 

L’enfant

C’est une arrivée récente puisqu’auparavant, les ados étaient les seules personnalités jeunes qu’on pouvait retrouver dans ces émissions. Pas difficile d’expliquer pourquoi aujourd’hui le personnage prend aujourd’hui une certaine importance : on a grandi avec ces personnages et avoir accès à leur parentalité semble tout naturel. “Avant, il y avait une disjonction entre Sweet 16 et Teen Mom. Le rôle de la mauvaise mère aux USA a toujours été puissant surtout les célébrités sexualisées. Exemple parlant : Britney Spears”, explique Manon Renault.

Dernièrement, l’archétype de la mère jeune a bien évolué et on pourrait presque le qualifier d’effet Kylie Jenner. “Alors qu’on fait des enfants plus tard, notamment parce que les femmes travaillent et font de longues études, Kylie Jenner vient renverser la tendance. Elle est tombée enceinte la même année où elle est devenue milliardaire. Notons malgré tout que sans l’argent, le modèle ne fonctionne pas”, ajoute la sociologue.

Surgis alors l’enfant trophée des années 80. Si auparavant la simple présence d’un enfant dans la cellule familiale suffisait pour montrer sa réussite, les réseaux sociaux ont amplifié le phénomène. À l’heure de l’auto-médiatisation, les enfants deviennent des contes Disney vivants et deviennent des personnages récurrents des réseaux sociaux de leurs parents voire, ont leurs propres comptes.

 

Les demi-frères et soeurs

Que serait Hollywood sans son fatras de familles recomposées ? On a tous en tête l’arbre généalogique étendu – et complètement barré – de la famille Kardashian qui, à force de remariage a rendu possible que Kendall Jenner soit la demi-sœur par alliance des sœurs Gigi et Bella Hadid. “Ils servent juste à faire avancer le récit et n’interviennent pas pour eux en tant que personnes. Comme dans Cendrillons, ils sont interchangeables de manière à ne jamais pouvoir véritablement impacter le récit.

 

 

Pour conclure, on aimerait citer l’auteur américain Douglas Coupland qui dans Toutes les familles sont psychotiques écrit : “Les gens sont très indulgents pour la famille des autres. La seule qui vous horrifie vraiment, c’est la vôtre”. Mais, lorsqu’on parle de télé-réalité, c’est finalement leur similarité, plus ou moins exagérée, à nos vies qui nous intéresse. Des émissions qu’on suit religieusement, même si on n’oserait pas forcément l’avouer en public tout simplement parce qu’elles ont un impact quasi-cathartique. Et puis pas la peine de culpabiliser, après tout : “Kim, there’s people dying ”.